1.5 - Du bon sens avant tout
Définitions et concepts
Plus de 10 ans après l’ouverture des aménagements de la réserve naturelle du Romelaëre, et le cahier technique (n°62) qui les analysaient, de nombreux sites ont mené des projets de mise en accessibilité. Pourtant, les questions de fond demeurent … Le gestionnaire du Romelaëre s’interroge sur la finalité d’aménagements lourds : la nature, de fait, c’est mouillé, ça pique, c’est en relief, sale … et difficile d’accès ! Alors comment concilier e droit pour tous à l’éducation à l’environnement, et le risque d’une nature dénaturée par trop d’aménagements.
C’est en août 1999 que l’aménagement tous publics de la réserve naturelle du Romelaëre a vu le jour. A partir de cette date, on peut dire que ce site a révolutionné la manière d’aménager les sites naturels à tous les publics. Il est devenu exemplaire et a servi de modèle à de nombreux espaces naturels répartis dans l’hexagone. On va plutôt dire que la réussite de cet équipement est avant tout due à l’enthousiasme remarquable des élus, des techniciens et d’un groupe de bénévoles qui ont su tout mettre en oeuvre pour trouver les meilleures solutions pour un accès à la nature pour tous. En 2011, l’équipement a fêté en toute discrétion ses 12 ans. Il a malgré tout vieilli mais il a offert à un nombre considérable de visiteurs, valides ou non, un confort dans la visite. Sans cet aménagement, l’accès en toute autonomie sur cet espace naturel protégé aurait été plus difficile.
Un label venu du milieu urbain
Pendant ces douze années, de nombreuses délégations venues des quatre coins de la France et même de pays frontaliers, ont visité le Romelaëre pour s’inspirer et imaginer un tel équipement dans leur région. Pendant quatre années, sous l’impulsion du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale, des établissements spécialisés ont aussi bénéficié de projets pédagogiques adaptés. Voici les événements qui ont marqué la vie du Romelaëre. Et pourtant, malgré tous ces efforts entrepris dans la labellisation, dans l’amélioration des techniques d’accessibilité, dans l’innovation de l’approche pédagogique, on ressent avoir manqué quelque chose. On a vu apparaître en 2001, le label Tourisme et Handicap mettant en avant les potentiels d’accueil (pour les handicaps moteur, visuel et auditif) du site. D’abord adapté au milieu urbain, il s’est aussi imposé sur les sites naturels sans vraiment prendre en compte les caractéristiques des espaces naturels. Certes les aménagements sont devenus de plus en plus confortables, mais à quel prix ?
Répondre aux vrais besoins
Au travers des exigences pour l’obtention du label, le Romelaëre a perdu le sien. Aujourd’hui, on peut se demander si EDEN62 doit absolument chercher à le récupérer, au prix d’efforts d’innovation importants et d’une dépense publique conséquente. Il faut surtout s’interroger sur la « pertinence » de tels équipements et services. Sur ce dernier point, depuis 11 ans, on s’aperçoit que les trois fauteuils roulants mis à disposition gratuitement à la Grange Nature ne sont jamais empruntés, que les animations pédagogiques créées ne sont pratiquement jamais demandées hormis celles proposées gratuitement de 1999 à 2003. Sans provocation, avons-nous besoin d’autant d’aménagements ? Les personnes en situation de handicap n’ont-elles pas envie d’accéder, elles aussi, aux difficultés de la nature, c’est à dire toucher l’herbe, sentir la portance d’un sol, se « salir » les pieds ? On ne peut pas se satisfaire d’offrir une découverte de la nature sans un réel contact avec elle. On perd l’essentiel en voulant à tout prix réaliser des équipements accessibles même sur des cheminements n’ayant pas de difficultés apparentes.
Miser sur la technique ou sur l’humain ?
La nouvelle population qui fréquente aujourd’hui le Romelaëre verrait d’un mauvais oeil un retour en arrière mais prenons garde à ne pas aller vers une fuite en avant, et oublier ce qu’était le Romelaëre avant 1999. J’ai aujourd’hui l’impression de voir du Romelaëre un peu partout ; les platelages poussent comme des champignons dans de nombreux sites naturels, ce qui tend à une banalisation des cheminements en sites naturels. Les animateurs nature sont peut-être en mesure d’apporter une réponse dans la minimisation des aménagements. Ils sont capables d’emmener des personnes différentes sur des sentiers plus difficilement accessibles. Même si les personnes en situation de handicap physique sont certainement celles qui ont le plus besoin de sentiers adaptés, on peut leur imaginer une nouvelle approche. En réduisant les coûts des équipements, on pourrait transférer une partie de l’investissement vers des outils adaptés comme la Joëlette*, l’hippomobile*, la randoline*....que l’animateur nature pourrait utiliser. L’effort vaut le coût car l’accès à la nature par l’éducation doit se faire pour tous. Mais il ne faut pas oublier que l’accessibilité, ce n’est pas tout ou rien, et que bien connaître la population utilisant le site est la clé d’un aménagement raisonné.